La crue de 1856

La crue de fin mai-début juin 1856 fut une crue majeure pour le bassin de la Loire et plus particulièrement en Anjou, non pas par les niveaux atteints mais par la catastrophe qu’elle entraîna dans le val d’Authion après ruptures, en plusieurs endroits, de la levée censée contenir dans son lit la Loire en crue.

Nous avons publié dans la lettre N°53 de décembre 2012 un extrait du journal rédigé par Mathurin Marion, de Saint Rémy-la-Varenne, qui décrit l’ambiance dramatique qui régnait.

Nous avons trouvé dans l’ouvrage “Etudes potamologiques sur la Loire et ses affluents” (1), du professeur Maurice PARDÉ, publié en 1964, les niveaux hydrométriques de la Loire, entre le 28 mai et le 9 juin 1856, depuis Moulins jusqu’à Ancenis.

Ces diagrammes sont dus à l’ingénieur des Ponts et Chaussées BRUNOT, en poste à Orléans.

Le professeur PARDÉ considère que ces types de diagramme, tels que ceux de 1856, mais aussi de 1843, 1846, 1866 s’ils existent, mériteraient des analyses complètes selon les principes exposés dans son ouvrage.

Cette crue – une des plus importantes de la fin du XIX ème siècle — est due à des pluies abondantes d’origine méditerranéenne sur le haut bassin de la Loire et de l’Allier et d’origine atlantique sur le bassin moyen de la Loire. A titre indicatif, les pluies mensuelles de mai 1856 ont été d’environ 240 mm sur la Haute Loire et de 200 mm sur l’Allier. Elles ont été d’environ 120 mm sur la Loire moyenne.

Mi-mai, quelques inondations de la Loire, au niveau de Roanne et Nevers, se produisent.

Fin mai, un épisode de précipitations intenses s’abat sur le bassin de la Haute Loire.

A partir des cotes de niveau maximal atteint en certains endroits il est difficile, pour ne pas dire impossible, de transcrire ces niveaux en débits à partir des valeurs de jaugeage (2) connues actuellement car, depuis cette époque, le lit du fleuve s’est notablement modifié tant en profondeur qu’en largeur et les écoulements ont notablement évolué. Il est cependant admis que le débit à la confluence de la Loire et de l’Allier était de l’ordre de 7600 m3/s, de 7200 m3/s à Gien et 5500 m3/s à Tours. (3).

Nous n’avons pas la compétence pour effectuer les analyses préconisées par le professeur PARDÉ, mais il nous a semblé intéressant de présenter les diagrammes de 1856 avec quelques commentaires.

Sur ces diagrammes, les chiffres sur l’axe des ordonnées correspondent aux hauteurs hydrométriques des lieux ce qui ne correspond pas à des débits, comme expliqué précédemment. Il n’est donc pas possible d’évaluer l’évolution des débits en fonction des jours mais, par contre, les sommets des courbes correspondent aux pics de crue et permettent de percevoir la progression de la crue.

Le second diagramme est particulièrement intéressant car on constate qu’après le pic de crue, le niveau de l’eau ne baisse pas régulièrement et que, au contraire, il remonte avant de redescendre à nouveau. Cela est perceptible à Langeais, puis aux Ponts-de-Cé, à Montjean-sur-Loire et Ancenis. Cela provient, en particulier et d’une manière exemplaire pour l’évolution du niveau aux Ponts-de-Cé, de la rupture de la levée à La Chapelle-sur-Loire le 4 juin 1856, où une large brèche de 180 m de long s’est créée avec un débit de transfert de l’eau de crue estimé à 1000 m3/s (4) dans le val d’Authion. L’inondation brutale de la vallée de l’Authion a fait plus de 40 victimes. Du fait de l’écoulement partiel de la Loire par la brèche, l’évolution du pic de crue et de son débit aux Ponts-de-Cé sont notablement ralentis mais les millions de mètres cubes qui se sont engouffrés dans le Val d’Authion à la Chapelle-sur-Loire vont s’écouler plus lentement puis revenir dans le lit du fleuve après rupture de la levée, légèrement en amont des Ponts-de-Cé. Cela se traduit alors par une nouvelle remontée du niveau de l’eau, en quelque sorte un pic de crue secondaire. Ce dédoublement du pic va se ressentir pour l’aval.

En examinant attentivement ce second diagramme on constate qu’il y a un second pic de crue à Langeais mais pas à Saumur. Pour Langeais cela peut provenir des nombreuses surverses qui ont eu lieu en amont car du bec d’Allier à Nantes, la Loire a fait 160 surverses d’une longueur totale de 23 km dans les levées, par contre nous n’avons pas d’explication pour Saumur.

L’analyse de la courbe de Montjean-sur-Loire fait apparaître, par contre, trois « pics de crue amortis », successifs, le dernier plus atténué, en comparaison de ceux de Loire Moyenne et cela sur une durée de 4 jours avant d’observer une lente décroissance. Cela tient vraisemblablement au fait que la Maine, à sa confluence, est refoulée par la Loire et que les Basses Vallées angevines deviennent un champ partiel d’expansion de la crue.

La catastrophe due à la rupture de la levée à La Chapelle-sur-Loire est à la source de toutes les études réalisées pour que cela ne se reproduise pas.

Dans ce domaine, les plus récentes sont le renforcement, parfois très important de la levée, du point de vue de sa structure et de son niveau, afin que son profil longitudinal soit identique à celui du fleuve en crue. L’absolue priorité est qu’il n’y ait pas de points de faiblesse susceptibles d’être un point de rupture car, dans ce cas, une brèche incontrôlée devient une catastrophe. Implicitement, cela conduit à maîtriser les champs d’expansion des crues et, éventuellement dans les cas extrêmes, de permettre une surverse du fleuve d’une manière maîtrisée.

(1) Potamologie : Science qui étudie les cours d’eau

(2) Le jaugeage consiste à mesurer le débit à une hauteur hydrométrique

(3) Dacharry — Université des Sciences et Technologies de Lille

(4) Roger Dion

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